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jeudi 26 décembre 2013

Daniel Pennac : Chagrin d'école

Chagrin d'école

Chagrin d'école est un roman autobiographique sur le parcours psychologique d'un cancre dans le système scolaire, en plus de plusieurs réflexions et anecdotes sur le propre parcours de l'auteur qui était lui même un très mauvais élève.

MON AVIS :

Lors d'un cours de didactique en master Enseignement, nous avons étudié un extrait de ce roman de Pennac. Dès les premières lignes de l'extrait, j'ai senti que je devais lire la totalité de ce roman. Je me suis donc très rapidement procuré le livre et il n'a même pas fait un cours séjour sur ma PAL.

L'histoire est particulière puisqu'on pourrait la qualifier d'autobiographique. Mais pourtant, l'autobiographie se double d'une réflexion sur l'école, les élèves et la vision de ces deux derniers éléments dans la société. J'ai trouvé cette association bien pensée et pour moi qui commence à voir l'autre facette du métier de prof cette association est aussi très enrichissante.

Pennac est un ancien cancre : il récoltait de nombreux zéros et ses parents et professeurs le considéraient comme un cas désespéré. Belle ironie (ou belle revanche !) quand on sait qu'aujourd'hui il a lui-même été professeur de français et est désormais un écrivain très reconnu.

Dans ce livre, il raconte l'histoire du cancre plus ou moins lambda, il raconte son expérience de professeur (et de cancre !) et comment il essayait de sortir ses élèves du statut de cancres. J'ai particulièrement aimé comment il a renouvelé l'exercice de la dictée. On suit ses réflexions sur les clichés véhiculés par les médias sur l'école, sur la terreur de la société face aux mauvais élèves à la réputation difficile...

Il est difficile d'expliquer exactement le contenu du livre sans écrire une chronique de plusieurs pages. Plusieurs points méritent d'être retenus, d'être discutés et débattus. Ce livre propose quelques solutions aux problèmes de l'école, il est même plutôt optimiste à certains moments. On sent que Pennac est convaincu par ce qu'il dit. Il ne cache pas la difficulté du métier de professeur : ça rassure et inquiète en même temps.

Objectivement, j'ai moyennement aimé le livre. Certaines parties m'ont ennuyée, j'avais du mal à rester concentrée. Il est très intéressant à lire mais étant donné que l'on se rapproche de l'essai, il y a forcément des passages où on décroche. Néanmoins, le style de Pennac est très agréable à lire. Les styles soutenu, courant et familier s'entremêlent d'une façon légère et sans anicroches. Si le sujet vous intéresse, cette lecture s'approche de la lecture idéale.
Lu et chroniqué en décembre 2013 

mardi 11 juin 2013

Umberto Eco : Confessions d'un jeune romancier

Confessions d'un jeune romancier

Comment un jeune écrivain doit-il s'y prendre pour s'atteler à son premier roman ? Par quel chemin de ruse passer pour séduire son lecteur ? Et quel tour de magie doit-il accomplir – s'il en a le talent – pour persuader le monde que ses fictions sont des morceaux de réalité ? Telles sont, parmi d'autres, les questions auxquelles Umberto Eco (lui-même romancier octogénaire) tente de répondre ici en rassemblant ses propres souvenirs et son expérience. Des confessions ? Des conseils pratiques ? Une liste de choses à faire (et surtout à ne pas faire) quand on débute. Ce livre est tout cela à la fois. Et, puisque l'homme qui l'a écrit fut l'auteur du Nom de la rose et du Pendule de Foucault, on peut lui faire confiance...

MON AVIS :

Encore une fois, je remercie les Editions Grasset pour m'avoir offert ce livre suite au concours Une Place à Prendre. Gardant un assez mauvais souvenir d'un précédent essai d'Umberto Eco (Art et beauté dans l'esthétique médiévale), je dois avouer que je n'étais pas particulièrement emballée. Mais ayant toujours eu envie d'écrire et le titre étant quand même prometteur, j'ai décidé de lui laisser sa chance. Et j'ai bien fait.

En lisant les premières lignes, j'ai tout de suite su que cet essai serait totalement différent de celui que j'avais pu lire et que je retiendrai ce que j'allais lire. L'essai Art et beauté dans l'esthétique médiévale ne m'a absolument pas laissé de souvenirs. Il était difficile à lire et le sujet ne m'intéressait pas particulièrement. Mais ici, on touche à un domaine qui me parle beaucoup plus.

Umberto Eco parle à plusieurs reprises de linguistique et cite donc de grands linguistes tels que Peirce, Searle, Popper etc. Ces noms ne vous disent peut être rien mais pour ma part, je les connais très bien. En effet, une partie de mon cours de linguistique de troisième année de licence de Lettres Modernes portait sur ces trois hommes. Je connaissais donc globalement leurs idées et ça m'a permis de bien saisir les propos d'Umberto Eco. Mais il n'est pas nécessaire d'être un expert en linguistique pour lire cet essai. C'est un grand plus de connaître certaines choses et certaines définitions comme celle de la sémiologie mais Google est votre ami. De plus, quand on lit ce genre de livres, il faut être prêt à apprendre des choses et à poser son livre pour aller chercher d'autres informations ou des explications. Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié aller à la pêche aux infos et j'ai pu découvrir ce qu'était un « schibboleth », ce qu'était que la sérendipité (que même Microsoft Word ne connaît pas !), le mesmérisme etc. On révise aussi les figures de style avec l'anaphore, l'asyndète, la polysyndète, l'hypotypose... Sans ironie, j'ai trouvé ça très enrichissant.

J'ai beaucoup aimé la façon dont Umberto Eco définit le lecteur. Il distingue le Lecteur Empirique du Lecteur Modèle. Pour Eco, le Lecteur Empirique c'est vous, moi, lui, tout le monde. Le Lecteur Modèle est celui qui décrypte les intentions du texte en suivant les règles de ce dernier. Le Lecteur Empirique, quant à lui, peut poser différentes conjectures à propos du texte car il est porté par ses propres passions. Ce petit résumé ne vaut pas les explications d'Eco qui sont beaucoup mieux présentées, beaucoup plus élaborées et beaucoup plus claires que les miennes. Eco finit sa partie sur les lecteurs par cette petite phrase : « Il est fréquent que les auteurs disent des choses dont ils n'ont pas conscience ; et c'est seulement après avoir reçu les réactions de leurs lecteurs qu'ils découvrent ce qu'ils ont dit. ». Cette phrase m'a fait sourire car durant toutes ces années passées à commenter et disserter sur des textes, je n'ai jamais cessé de me demander si les auteurs avaient vraiment pensé à telle ou telle interprétation... Des fois, les professeurs donnent des explications tellement alambiquées que mes interrogations étaient légitimes, je vous l'assure.

Par la suite, Umberto Eco s'est beaucoup attardé sur les interprétations des lecteurs, leurs commentaires etc. Eco s'est servi d'énormément de sources pour écrire ses romans (Au Nom de la Rose, Le Pendule de Foucault) et il aime voir quand les lecteurs trouvent ces sources ou lui en prêtent d'autres parfaitement plausibles mais dont il ignorait l'existence. Il parle aussi des interactions qu'il a avec ses lecteurs, ses amis. Nous avons donc droit à quelques anecdotes qui n'enlèvent rien à l'intérêt de son essai, bien au contraire.

Ensuite, j'ai vraiment adoré la partie personnage de fiction/réalité. Il met le doigt sur un problème que l'on voit à une autre échelle sur la toile. De nombreuses personnes ont tendance à confondre les deux, à ne pas faire la part des choses. Parfois, ils confondent les deux avec humour et dérision mais parfois, ça peut aller assez loin. Néanmoins, ce n'est pas toujours dramatique et c'est le côté positif de la chose qu'Umberto Eco a mis en avant : « Il semble que de nombreux lecteurs, quel que soit leur niveau culturel, soient ou deviennent incapables de distinguer entre la réalité et la fiction. Ils prennent au sérieux les personnages de fiction comme s'il s'agissait d'êtres humains réels ». Je trouve cette citation tout à fait de mise. Quand un livre vous touche, quand un personnage vous touche, vous avez envie de croire à l'univers dans lequel vous vous êtes plongé, vous avez envie de croire en l'existence des personnages que vous avez suivi... C'est d'autant plus facile lorsque ce que vous avez lu se déroule dans une représentation notre monde à nous et non dans un univers parallèle, fantastique. Par la suite, Eco se demande pourquoi nous sommes émus face à la destinée de certains personnages et ce, parfois jusqu'aux larmes. Il prend pour exemple la grande Anna Karénine, héroïne de Tolstoï. Il demande aussi pourquoi nous remettons en question des faits réels comme la mort d'Hitler dans un bunker mais jamais la mort d'Anna Karénine, personnage fictif. Cette partie sur les personnages de fiction est celle que j'ai le plus appréciée. Les parallèles entre la fiction et la réalité sont justes, Eco a su poser des mots sur les frontières plus ou moins fines entre ces deux entités. Eco montre aussi que beaucoup de personnages se sont imposés dans notre réalité. En effet, qui ne connaît pas Sherlock Holmes ou Don Quichotte ? Même ceux n'ayant pas lus les œuvres originales sont généralement capables de donner quelques caractéristiques de ces grands personnages. A cela s'ajoutent toutes les expressions qui sont passées dans notre langage quotidien : « Aussi prenons nous [les personnages] non seulement pour des modèles de notre vie, mais aussi de la vie des autres, au point de dire que telle ou telle de nos connaissances qu'il n'a pas résolu son complexe d'Œdipe, qu'il a un appétit gargantuesque, qu'il est jaloux comme un Othello, qu'il doute comme un Hamlet ou que c'est un vrai Scrooge, ou même un vrai Picsou. »

Le seul point noir de cet ouvrage reste la dernière partie. Eco nous livre des listes et des listes et des listes de choses, généralement extraites d'œuvres. Au début, je les lisais consciencieusement puis j'ai fini par n'en lire que le début pour passer plus rapidement aux explications. Honnêtement, c'est une partie qu'on oublie vite. Il aurait peut-être mieux valu développer les trois précédentes.

En définitive, on conviendra que cette chronique fait plutôt office de résumé très large de cet essai. Il est difficile de juger une telle lecture. Elle a été très enrichissante et si on n'est pas hermétique à une lecture un peu difficile histoire de se cultiver, alors on apprécie. On apprend comment Umberto Eco a écrit ses romans, comment il a procédé pour décrire certains paysages... Pour des littéraires, cet essai ne peut être que bénéfique. 


Lu et chroniqué en juin 2013